dimanche 20 septembre 2009

Vigousse!

Tous les écoliers de ma génération se rappellent avec tendresse du dessinateur Barrigue. C’est qu’on ne saurait sous-estimer l’influence du caricaturiste dans la formation intellectuelle de millions d’élèves romands, bien avant que quiconque n’ait songé à muter quoi que ce soit dans un système qui marchait juste au poil et où les notes s’échelonnaient – en toute logique - de 0 à 10. Plus personne n’aura jamais de 10 désormais, et c’est bien dommage de perdre d’aussi bons élèves. Mais ne nous écartons pas du sujet. Barrigue, donc. Comment oublier ce génial inventeur, à qui l’on doit, certes, le fameux diagramme de Venn, mais surtout qui enchanta nos cours d’allemand grâce à ses touchantes illustrations des aventures de la famille Schaudi? On ignore pourtant que Barrigue à également dessiné les hypnotisantes lignes abstraites qui parsemaient le sol de nos salles de gymnastique, et qu’il fût non seulement l’instigateur du carnet journalier, mais surtout le génial créateur de l’acronyme “TE” pour Travail Ecrit. Cette invention permit de faire gagner 7.43 heures à chaque écolier de la région romande, sans parler des instituteurs qui ont de la sorte pu fournir 13.7% de travail en plus et toucher leur retraite anticipée avec une avance de 78.34 heures.

Mais assez pour la nostalgie. Qui ne s’est demandé ce que pouvait bien devenir notre espiègle pionnier des mathématiques amusantes ? Est-il au chômage, après avoir démontré un manque de gratitude certain en quittant son fidèle employeur Le Matin, soi-disant écœuré qu’il était par les constantes diatribes gauchisantes du quotidien révolutionnaire ? Ou alors en dépression chronique, ruiné par des investissements douteux auprès de ses amis banquiers qu’il pensait naïvement au dessus de tout soupçon ? En prison peut-être, légitimement dénoncé par des centaines de téléspectateurs, témoins consternés des abominables traitements infligés par l’humoriste à des pauvres bêtes sans défense sur une chaine de télévision clandestine ?

Non, rien de cela. Barrigue, tel un Siné bondissant hors de son poumon artificiel, nous revient avec un projet à la mesure de ses irresponsables intrusions libidineuses dans le curriculum de milliers d’écoliers romands (dont beaucoup étaient mineurs au moment des faits). Il s’agit d’un journal satirique romand. Un hebdomadaire, en plus. La chose s’appelle Vigousse, et se propose de ruer dans les brancards politico-économico-médiatiques de notre région d’ordinaire si majestueusement ronronnante.

Ça ne sortira qu’en décembre, mais d’ors et déjà on redoute le pire. De fait, la concurrence sera rude. C’est qu’on ne marche pas impunément sur les plates-bandes des comiques locaux, tel les désopilants Oskar Freysinger et Philippe Nantermod, dont la seule présence suffit à plier en quatre le plus neurasthénique des écologistes anarcho-libertaires. De même, comment rivaliser avec les savoureuses sautes d’humeur des Jeunes UDC Vaud ou les redoutables diatribes des Jeunes PDC ? Plus inquiétant encore, qui prétendrait voler la vedette au perspicace et gondolant Peter Rothenbühler, dont l’acuité des analyses le dispute à la finesse de son ironie ? Et comment oser s’attaquer aux grands de ce monde, alors que dans la seule région lémanique on dispose déjà des fins limiers télévisuels de Mise au Point et des infatigables écumeurs de terrain de L’Hebdo, qui sont passés maîtres, et depuis bien longtemps, dans l’art de la destruction méthodique de tout ce qui pourrait ressembler à de la pensée unique ou à du léchage de bottes ? Oui, une sacrée concurrence: tous autant de pourfendeurs de l’ordre établi qui occupent savamment le terrain de la grosse déconnade et du déboulonnage d’huiles prétentieuses, tout en bénéficiant d’une solide expérience dans l’éclatage en pleine gueule de la vérité qui dérange.

Et un seul petit Barrigue, certes armé de sa légendaire moustache frétillante et de son inséparable pipe fulminante, de s’improviser shooteur dans la fourmilière, dézingueur de tourneurs-autour-du-pot, et atomiseur d’empocheurs-de-bonus-en-rond ?

Et comment ! On s’emmerde tellement dans ce coin de coffre-fort verdoyant que n’importe qui serait prêt à soutenir, tel un Jean Sarkozy, à mort la première initiative venue visant à emmerder, ne serait-ce qu’à grands coups de mauvaise foi éhontée et de rumeurs invérifiées, cette petite coterie de potes réseautés jusqu’à l’os qui s’engonce de plus en plus confortablement dans sa comédie perpétuelle de fausses polémiques et de débats insipides.

Dès lors, il n’y a absolument aucune excuse : ABONNEZ-VOUS dès maintenant à Vigousse!

Oh, j'oubliais: il y a des chances que j'en sois. Mais je vais quand même m'abonner, et vous devriez en faire autant. Sinon, vous êtes condamnés à vous faire tutoyer par les stagiaires du 20 Minutes, expulser par les internautes du site du Matin, fringuer par les copines d'Edelweiss, dépouiller par l'abruti à crête qui s'occupe de votre compte et crétiniser par les reportages régionaux de l'Illustré. Et vous ne pourrez pas vous foutre de leur gueule en retour, ni même vous en plaindre. Choisi ton camp camarade.

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